Deux fonds privés, la collection Jusot mise en dépôt à l’Ecomusée Creusot-Montceau et la collection Rochette, permettent de compléter la mise en écho du texte de Pierre Ferrier. Jean Jusot et Louis Rochette étaient tous deux employés aux usines du Creusot et tous deux firent l’expérience de la guerre, assez brièvement pour Louis Rochette (rappelé en mars 1915). Leurs familles ont conservé la correspondance : pour Louis Jusot, il s’agit uniquement des courriers qu’il a adressés à son épouse ; pour Louis, nous disposons des échanges entre tous les membres de la famille.
Nous retrouvons dans ces documents beaucoup de similitudes avec les fonds de correspondance déjà publiés mais l’intérêt est ici qu’ils permettent d’ajouter un nouveau regard autour du texte de Pierre Ferrier lorsque Le Creusot est évoqué d’une manière ou d’une autre.
La famille Rochette a conservé la quasi-intégralité des courriers échangés entre Louis Rochette, Francine, son épouse, leurs trois fils, ainsi que d’autres membres de leur famille entre le début août 1914 et juillet 1915.
Cette correspondance est réalisée sur des supports très variés, divers types de lettres, cartes.
Ces courriers sont rédigés tantôt au crayon, tantôt à l’encre et le remplissage est très dense, pas toujours dans les propos mais très souvent, voire constamment, dans l’occupation de l’espace de la lettre, dans les courriers écrits par Jean Jusot comme par Louis et Francine Rochette.
Les lettres de Jean Jusot couvrent l’ensemble de la guerre, celles de Louis Rochette vont du début août 1914 à juillet 1915, moment de son retour au Creusot.
Pierre Ferrier évoque lui aussi les difficultés et l'importance de la question de la correspondance, particulièrement pour les réfugiés.
Cinq cartes postales qui couvrent la période de mobilisation de Louis Rochette et qui permettent de percevoir la façon dont l’actualité de la guerre devient sujet de carte postale dès décembre 1914 dans les courriers de Louis Rochette à sa famille.
Les cartes militaires conservées dans la famille Rochette présentent elles aussi une grande diversité, qu’elles soient expédiées par les civils ou les mobilisés. Dans cette série, la photo d’une carte pré-remplie où le soldat n’avait qu’à rayer les mentions inutiles pour donner de ses nouvelles. Francine Rochette a fait savoir à son époux que ce mode de correspondance ne lui convenait nullement…
Jean JUSOT (Le Breuil, 16 septembre 1890 - Le Creusot, 13 décembre 1969) s’est marié au Creusot le 1er août 1914 avec Jeanne Gueugneau. Il part « à la guerre » dès le 3 août, et sauf pendant une période de mobilisation aux Établissements Schneider de septembre 1915 à mai 1916, il passe les 4 années de guerre dans différents régiments, en 1ère ligne ou au front, en tant que maréchal des logis, et n’est démobilisé qu’en juillet 1919.
Il écrit à son épouse cartes et lettres tous les deux jours (parfois plusieurs lettres le même jour). Certaines ne donnent que des renseignements sur sa bonne santé, et minimisent les difficultés subies. Beaucoup, par contre, donnent des détails sur les conditions de vie (le froid, l’humidité, les bombardements, les « repas de fêtes », les changements de lieux de combats, le temps long entre deux opérations…), commentent les informations en provenance du Creusot données par les lettres de son épouse, et rassurent toujours sur la santé, malgré parfois quelques notes pessimistes sur l’issue du conflit et l’impatience de rentrer à la maison.
Les recherches effectuées sur Jean Jusot nous ont permis de découvrir que sa mère, Claudine Rochette, était la cousine de Louis Rochette, dont les carnets de guerre sont commentés dans ce même dossier.
Les cartes et lettres envoyées par Jean Jusot à son épouse pendant la Première Guerre mondiale font partie d’un fonds d’archives donné à l’Ecomusée en 2014 et 2016 par ses petites-filles.
Fiche matricule militaire individuelle de Jean Jusot ici
Extraits
Vignot, 10 octobre 1914
Chère Jeanne,
Je fais réponse à ta… J’ai fait une visite aux avant-postes pour me rendre compte des travaux que nos braves fantassins y ont exécutés, c’est incroyable, et maintenant on peut se balader dans les tranchées à peu près en sûreté, à l’abri des balles tout au moins ; on les entend siffler au-dessus de sa tête et l’on s’en moque comme de vrais gavroches. On se croirait sur les chantiers de Chanliau et c’est la guerre moderne et celui qui attaque perd beaucoup de monde.
Je t’envoie ci-joint 2 cartes que j’avais achetées lors de notre premier passage à St Mihiel qui, hélas, doit être maintenant saccagé par les Boches (qui n’y sont plus) et par les obus.
… Tu me demandes si j’ai touché une indemnité pour mes chaussures, je croyais te l’avoir déjà dit : j’ai touché 11 Fr 21 à Beaune, c’était le tarif dans la cavalerie, mes souliers ont l’air d’être bons, seulement la semelle se décloue pour le moment et je m’en vais les faire réparer. Tu te plains qu’il pleut beaucoup au Creusot, ici il ne fait pas beau, mais il ne pleut pas, du brouillard intense tous les jours, c’est encore mieux que la pluie…
… Allons, à bientôt de tes nouvelles.
Je t’embrasse mille fois
Jean
Extraits
Tu te plains du froid, mais je t’en ai déjà parlé et cela dure car il gèle fort ici, mais nous n’avons pas encore eu de neige, quoique ça… si ce n’était ces pauvres bougres qui sont dans les tranchées, pour nous ce temps vaut mieux que la pluie de ces derniers temps. A part mon jour de service où je couche dans une cave et pas trop mal encore, je possède toujours mon presqu’un lit et tu peux croire que m’y glisse avec amour, délice… etc…
Je vois que le temps commence à te durer car il ne m’arrive pas une lettre sur laquelle tu ne te plaignes des longueurs de cette maudite guerre… je n’ose pas te fixer une date ; enfin le plus tard possible, pourvu qu’on rentre, c’est le principal.
Comme ma lettre va sans doute t’arriver aux environs du 1er de l’an, j’en profite pour t’envoyer mes meilleurs vœux de santé et bonheur pour la nouvelle année qui s’annonce et ainsi qu’à toute la famille et en souhaitant ardemment que l’année 1915 verra la fin de nos maux le plus vite possible avec la victoire et une paix honorable et indéfinie.
Extraits
Vignot, 2 janvier 1915
Chère Jeanne,
Hier premier de l’an, et beaucoup de nouvelles. Voilà un heureux présage, et il m’a fallu une petite heure pour dépouiller mon courrier. J’énumère : 1° ton grand journal du 25 que je te disais ne pas avoir reçu et qui s’est décidé à atterrir, comme on dit maintenant, hier, ce qui lui fait 6 jours de marches forcées pour arriver jusqu’à moi ; 2° une lettre de Guillaume ; 3° une carte de Marie Louise ; 4° une carte de Bilien datée du 24, laquelle m’a fait véritablement plaisir, il me souhaite la bonne année en me souhaitant d’aller bientôt au Creusot « pour voir mon chérubin qui ne tardera pas à faire son apparition ». J’emploie ses propres termes. Pauvre gros, je le croyais déjà rentré car je n’avais pas de ses nouvelles, et je croyais, à part un accident, qu’il n’avait pu m’écrire par suite de son départ. Malheureusement je vais trop vite, mais j’espère bien que cela ne tardera pas maintenant ; 5° ta 2e carte de bonne année toujours de bon goût. Tu vois que j’ai été bien servi et j’ai à peu près tout reçu, je n’attends plus qu’une carte de Marius.
Je vois que tu as bien reçu mes photos et j’attendais impatiemment qu’elles te soient arrivées car ce sont des souvenirs de guerre. As-tu reçu la boîte de madeleines. J’espère que oui car avec l’expédition presque en fraude que j’ai faite, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’elle n’arrive pas…
…
A propos de mon retour éventuel, je m’en vais te dire mon opinion puisque tu me le demandes. Je suis de l’avis de Jean Carrel et quoique je serais bien content de rentrer, il ne serait peut-être pas bon de provoquer mon retour et je pense que si on a eu besoin de de moi et des autres, on nous a demandé ou on nous demandera. Je m’en vais écrire une carte à mon chef pour lui montrer que je ne suis pas mort et par politesse puisque je ne lui ai pas encore écrit depuis le commencement de la campagne, mais sans lui parler de rien à ce sujet, j’écrirai d’autre part une lettre à Dureuil que tu connais bien et en lui demandant des tuyaux. Voilà je crois tout ce qu’il y a lieu de faire et ma foi si je suis obligé de rester à la guerre je n’en aurai pas le cafard pour cela…
Je suis toujours à Vignot aussi peinard, on a encore bombardé Commercy hier mais je n’étais pas dans une baignoire, seulement au café où je faisais un billard, et cela ne nous a pas dérangés de notre partie.
Plus rien à te raconter, la santé est toujours bonne et je n’ai qu’à me plaindre d’engelures aux pieds que je soigne du mieux possible.
En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé ainsi que toute la famille, je t’envoie mes meilleurs baisers.
Jean
Extraits
Mécrin, 4 janvier 1915
Chère Jeanne
… J’ai reçu ta lettre du 29 le 2 et je vois que mon petit colis est arrivé à bon port…
… J’ai envie de ramasser quelques éclats d’obus boche ou une fusée et je pourrais l’envoyer par le même moyen, et cela nous ferait un petit souvenir….
J’ai eu le sourire en voyant la soi-disant arrivée d’un Zeppelin au Creusot, le fait n’est pas impossible mais semble assez difficile et il y a beaucoup de chances pour qu’il se soit fait démolir avant de survoler la grande cheminée !! Et c’est bien cela la foule curieuse et imprévisible, n’ayant pas encore pu juger du danger, se réunissant sur la place et offrant un point de mire épatant si une attaque s’était véritablement produite. Je présume que s’il était tombé 2 ou 3 bombes dans le tas, la fuite aurait sûrement fait place à la curiosité. Enfin tout cela [ce] sont des mots et j’espère bien que vous êtes complètement à l’abri de tout danger.
Je suis de service à Mécrin aujourd’hui, cela se passe toujours bien, les Boches nous fichent à peu près la paix et le plus dangereux c’est pour y arriver car ils canardent les routes y aboutissant…
p.17 du livret 2 (1915-1916). "DEFENSE CONTRE AVIONS… Toutes ces installations intéressèrent..."
Extraits
… Oh ! J’ai à te donner un conseil sur les éclats d’obus que je t’ai envoyés, à propos de la fusée, tu sais ce que je veux dire, il s’en trouve quelques-unes qui sont encore dangereuses malgré que le coup soit bien parti et malheureusement il y a de pauvres soldats qui en ont fait l’expérience à côté de moi hier encore et ce n’est pas la première fois qu’il arrive des accidents. C’est en voulant prendre la rondelle d’aluminium pour confectionner des bagues, tu en as peut-être déjà vu, la fusée a éclat et il y a eu 1 mort et 2 ou 3 blessés, même grièvement. Donc ne touche pas à cet objet et mets-le plutôt en lieu sûr ou si je rentre, on fera ce qu’on jugera nécessaire…
Extraits
Mardi 11 août 1915
Chère Jeanne,
Quelques lignes pour te tenir au courant de ma santé qui est toujours excellente... Il en est parti au Creusot pour travailler hier ; ils sont 7 ou 8, moi j’attends avec confiance et patience…
Extraits
Courrier militaire oblitéré le 1.1.1917
Maréchal des logis Jusot J., 15e Régiment d’artillerie, 117e Batterie de 75 à 150 T – S.P. 134
Tranchées, 31-12-16
(St Sylvestre, encore une de bouclée)
Chère Jeanne,
Je réponds…
Voilà seulement 2 nuits consécutives où les Boches se montrent nerveux et cette nuit les obus sont tombés autour de nous au moins pendant 2 heures, heureusement que notre abri est solide et cela ne risquait rien, seulement la nuit c’est toujours plus angoissant que le jour.
Ce matin nous avons été ébranlés par une faible secousse et il a dû sauter une mine dans les parages, encore un sale moment à passer pour ceux qui se trouvent dessus ou à proximité, car cela surprend plus que les obus…
… Je pense être relevé d’ici dans 5 ou 6 jours et ma foi cela fera déjà 16 jours de tranchée, c’est potable …
Extraits
Jeudi, 21 janvier 1917
Chère Jeanne,
Je viens de recevoir ta lettre du 18 qui n’a pas mis plus de 3 jours pour m’arriver… Je ne comprends pas que tu te plaignes de ne pas avoir de mes nouvelles, car je t’écris en principe tous les 2 jours, et c’est cette poste qui est cause de tout cela. Il y a des périodes pour cela et du moment que tu le sais tu n’as pas à t’effrayer à mon sujet, surtout qu’en ce moment je ne bouge plus d’ici ou je suis en sécurité complète car je n’ai même plus le chemin de Mécrin à faire comme je te l’ai déjà expliqué dans ma dernière lettre.
Très surpris douloureusement de la mort de ce pauvre [… ?] lequel en effet je connaissais beaucoup et comme tu le dis la mort éclaircit la jeunesse du Creusot, enfin il faut espérer qu’il en restera encore quelques-uns.
…
Ici il fait un froid de loup depuis plusieurs jours avec de la neige, aujourd’hui de la neige fondue, impossible de sortir se promener et je ne sais quoi faire toute la journée, enfin je m’estime encore heureux quand je songe à ceux qui regardent les étoiles avec le ciel comme plafond.
Le Régiment est toujours au repos et on commence de vacciner les hommes contre la typhoïde, ce n’est pas amusant car ce vaccin vous fiche une fièvre et abat son homme pour 24h, je crois bien que si je puis m’en exempter, je n’y manquerai pas...
Bonjour à tous
Je t’embrasse mille fois.
Extraits
[?] - 31-12-17
Chère Jeanne
… Je te remercie des friandises contenues dans ce colis, et le gâteau que nous avons contre-attaqué hier soir avec un de mes camarades était excellent. Nous l’avons arrosé de vin chaud sucré et au coin d’un bon feu... Ma première bouchée a été pour croquer sur quelque chose d’insolite et dur que je ne reconnaissais pas au premier abord, le copain a été éclairé avant moi, et je mordais déjà quand j’ai reconnu le baigneur que tu avais glissé dans ta pâte. Tu peux te flatter d’avoir réussi et je ne pensais pas du tout à la surprise du gâteau des Rois, surtout que la date en était légèrement avancée par toi.
…
Ta lettre était un peu cafardeuse. Je sais qu’au pays tout concourt à te rappeler mon absence en ces jours de fête… Tu me voyais grelottant au fond de la tranchée : mais non ce n’est pas à ce point-là. En ligne nous avons une cagna solide en béton, des lits en fil de fer dans lesquels nous faisons de beaux rêves, la nuit on roupillait comme des rois et où il ne fait pas froid du tout.
Les hommes doivent prendre la garde, c’est évident, mais moi j’en suis exempt et je passe mes nuits entières.
Je te répète encore que nous sommes très bien dans ce secteur, mieux que partout où l’on est passé…
Extraits
Front, 16.8.1918
Chère Jeanne
Quelques lignes pour te tenir au courant de ma situation... Quoique nous soyons à une dizaine de Kms des lignes, les Boches trouvent le moyen de nous faire siffler les marmites par-dessus la tête et il en passe en ce moment. Je crois qu’il faut être à [150 kms] du front maintenant pour être tranquille. Enfin le danger est moindre.
Plus rien à te raconter…
Extraits
Front – 15.9.18
28 ans demain et toi, tu n’es pas loin de tes 26, quelle vie gâchée !
Chère Jeanne
…
Je te disais sur ma dernière carte que j’avais fait sauter une dent et que malgré cela je souffrais toujours… C’est l’affaire de qq jours et je me trouverai beaucoup mieux à l’avenir, mais bon sang que j’ai souffert assis dans le fauteuil, car il ne me l’a pas endormie et elle était plus difficile à prendre n’émergeant pas de la gencive. A part cela [… ?] hier pour ma santé…
Enfin, en mettant les choses au pire, je pourrai partir vers le milieu d’octobre, c’est-à-dire dans 1 mois, à moins que… ?
Cela barde toujours dans la région et tu as pu le voir par les communiqués, les combats sont acharnés et le coin est aussi précieux que les Boches nous le disputent pas à pas.
Toujours au même cantonnement où les Boches ne nous approchent pas trop avec leurs marmites qu’ils envoient pour démolir ce qui reste de la ville.
…
Louis Rochette, né le 25 juin 1875 a étudié aux Ecoles Schneider, est entré comme élève contremaître à la petite tôlerie en 1889 où il est resté jusqu’en novembre 1896. A ce moment, il accomplit ses trois années de service militaire. A son retour en 1899 il entre au bureau des commandes le 2 novembre. Jusqu’au 1er juillet 1940 (date de sa retraite) il fut employé à la Forge dont il était devenu chef de bureau chargé du bureau des commandes le 1er juin 1917 (Source : AFB 01L0866).
Il a été mobilisé le 2 août 1914 (il avait alors 39 ans et trois enfants) ; il a occupé, en tant que maréchal des logis un poste de vaguemestre jusqu’en mars 1915, soit en Lorraine (Meurthe-et-Moselle) soit dans le Nord. Le 15 mars 1915, il a été rappelé par l’entreprise mais il ne revint travailler au Creusot qu’en juillet 1915. Entre mars et juillet 1915, il a circulé dans différents sites où se trouvaient des établissements Schneider, par exemple assez longtemps à Bordeaux où il fut chargé de veiller au bon déchargement d’un navire.
Louis Rochette et sa femme ont entretenu une correspondance journalière entre août 1914 et mars 1915, plus distendue ensuite car l’inquiétude était allégée par le départ du front. Ces échanges ont été conservés par la famille pour la plupart ; les trois fils écrivirent très souvent à leur père qui leur répondait également.
Assis, de gauche à droite : Raymond, Lucien, Francine
Debout : à gauche, l’aîné des enfants, Marcel et Louis Rochette.
Raymond Rochette est désormais connu pour son œuvre d’artiste-peintre et particulièrement pour ses toiles consacrées au paysage et aux usines du Creusot.
La famille Rochette au recensement de 1911 ici
Fiche matricule militaire individuelle de Louis Rochette ici
Extraits
« Laneuveville, près Nancy, 17 septembre 1914
Ma Francine aimée
Je t’avais promis une lettre, je m’y mets mais je ne sais par quel bout commencer car ainsi que je te l’ai dit hier, j’ai reçu 15 lettres de toi à la fois, datée[s] du 11 au 26 août, tu vois le temps qu’elles ont mis pour venir et véritablement, un mois sans nouvelles, c’était dur… »
Extraits
… « on nous amène tous les jours ce qu’il nous faut, et certainement nous sommes mieux partagés que les civils car il arrive fréquemment que nous leur donnons du pain ou de la viande ; de plus, on trouve toujours quelques petites choses, d’ailleurs tu as dû voir sur mes cartes ou lettre précédentes que je me soigne pas mal et c’est très souvent comme ça pour ne pas dire tous les jours ; ne cois donc pas toujours à la lettre ce que disent les journaux, c’est partout la même chose, puisque tu me dis qu’au Creusot il est difficile de s’approvisionner, mais enfin on trouve quand même, c’est la même chose ici.
Pour le coucher, je suis sur la paille depuis que j’ai quitté Izel, mais enfin nous sommes bien quand même ; un bon lit de paille dans une écurie bien close, avec notre manteau et nos couvertures, je n’ai pas froid du tout et comme le disais déjà à Laneuveville, je terminerais la campagne dans ces conditions… »
p.19 du livret 1 (1914-1915). "REQUISITION – La guerre a arrêté le réapprovisionnement des magasins qui rapidement ont été vidés..."
Extraits
… « je l’ai dit, il est difficile d’écrire souvent, d’abord, à cause de mon truc* qu’[il] faut que je fasse convenablement et c’est pas peu à faire puisque j’ai 800 hommes à servir tous les jours, puis les journées sont courtes et pas faciles de travailler dehors, ce n’est pas comme ceux qui sont à la caserne, leur métier est bien plus facile ; enfin, je m’en [re]tire quand même et sans me vanter, je puis dire que j’ai l’estime de tout le monde, aussi bien des officiers que des hommes. Autre chose au sujet de mon truc… »
Extraits
« Tu me dis qu’il rentre beaucoup d’ouvriers au Creusot et que je devrais demander à rentrer, c’est une chose que je ne puis pas faire ; tu dois bien comprendre que ce n’est pas à moi à demander à m’en aller, il faut que l’Usine fasse la demande de ceux dont elle a besoin ; tu dois bien te douter que je [ne] demanderai pas mieux que de retourner vers ceux que j’aime, espérons que ça ne tardera pas trop… »
"Il [Baptiste, le filleul de Louis] me dit qu'il rentre toujours beaucoup d'ouvriers, as-tu fait quelque chose pour moi, le temps me dure de savoir ce qu'on t'a répondu"
…"Savoir ce qu'on a dit pour moi et puisque la Forge doit marcher bientôt, peut-être aura-t-on besoin de moi."...
Louis Rochette à Francine, carte-lettre du 30 novembre 1914.
Collection Rochette.
p.25 du livret 1 (1914-1915). "RENTREE DES OUVRIERS METALLURGISTES – La nécessité d’avoir des munitions à profusion, des pièces d’artillerie..."
Mardi 22 décembre
1ère journée de tranchée […]
Jeudi 24 décembre
2ème journée de tranchée
Réveillon […]
Dimanche 3 janvier
Repos
Colis des Dames de France d’Oran (dattes, noisettes, amandes, raisins, gaufrettes, etc) […]
Mardi 5 janvier
6ème journée de tranchée à Roclincourt
Balle en allant-sauté dans le boyau, fusillade et canonnade interrompue on descend de nombreux morts (dont 1 lieutenant de zouaves) par le chemin creux-le tantôt bombardement du chemin creux. Segaud et Carbonnel vont y passer la nuit. […]
Samedi 9 janvier
Repos
La veille
(histoire de tranchée à tranchée les Boches offrent des cigares aux zouaves entre les tranchées de 1ère ligne, échange de bons procédés, chacun regagne son poste) (75, pas camarade) […]
Mardi 12 janvier
Repos-je suis fatigué, même malade, couché toute la journée […]
Louis Rochette, Carnet, extraits.
Collection Rochette
Extraits
« Lundi 15 mars
A pied à Noyelle.
Au retour, bonne nouvelle je suis envoyé au Creusot »
« Mardi 16 mars
Je dois partir à 5h à Aubigny pour Le Bourget
Nous partons à 8h
Violente escarmouche à Notre-Dame-de Lorette »
« Vendredi 11 septembre
Cher Louis
Deux mots pour te donner de nos nouvelles J’espère que tu es en parfaite santé chez nous la santé est bonne. Raymond paraissait un peu pâlot hier et se plaignait de la tête. Comme déjà il y a trois semaines la nuit il a eu un peu de fièvre ce matin je lui ai donné un peu d’huile, ne t’en désole pas ce n’est rien et il n’est pas alité. Quand tu recevras cette carte il sera guéri, les deux autres vont très bien. Maman a commencé ses remèdes cette nuit elle a mieux dormi pour moi ça va bien. Tu vois, je suis encore courageuse ces jours-là. Je t’écrirais une plus longue lettre. Je t’embrasse ainsi que mes chers petits bien fort.
Francine
A bientôt des nouvelles . J’espère que tu reçois mes lettres. F. »
p.3 du livret 1 (1914-1915). "Le Maire de la Ville du Creusot félicite hautement ses concitoyens du patriotique..."
« 16 novembre
Cher Papa
Ce matin, j’ai reçu une carte de toi et comme tu me fais des reproches sur mes fautes, je ne veux plus t’écrire. Tu ferais bien mieux de corriger celles de maman, elle en a bien 500 dans une lettre, pour elle, c’est pardonnable, mais pour moi tu sais bien comme je suis étourdi c’est excusable. Cela n’empêche pas que j’ai eu 13 en rédaction. J’espère que tu te porte[s] bien quan[t] à moi je viens de recevoir une bonne trempe. Je te promets qu’une autre fois j’en ferais davantage. Je t’embrasse bien fort. Ton grand Marcel. »
Extraits
… « Je te le demande dis moi donc comme ça se passe cela m’inquiète beaucoup du moment que tu es vaguemestre tu n’aurais pas dû être au feu. Et tu me dis que les Allemands ont fui devant vous. Il faut bien croire que tu étais avec la batterie. Des hommes de 48 ans, c’est malheureux tout de même pendant qu’il y en a de 33 ans qui sont toujours à Autun… »
Extraits
… « Je te dirais mon cher Louis qu’il est arrivé des émigrés hier au Creusot les uns disent qu’il y en a 500 et d’autre[s] disent 150. Il paraît qu’ils viennent d’Arras tout près où tu es sans doute que de triste chose tu dois voir. Il paraît qu’il y a deux femmes qui accouché dans le train et il y avait des enfants qui étaient presque nus… »
p.13 du livret 1 (1914-1915). "EVACUES ET REFUGIES – L’avance des Allemands allait nous amener aussi le triste défilé..."
p.8 du livret 2 (1915-1916). "REFUGIES – Et pendant ce temps, que deviennent les réfugiés ..."
Extraits
… « Je vois aussi que tu es assez bien soigné peut-être mieux que tu le serais chez nous. J’ai rien que peur qu’après la guerre finie tu [ne] veuilles pas revenir, enfin, j’espère toujours, soigne-toi toujours bien en attendant j’en suis bien heureuse. Je te souhaite mon cher Louis que cela dure… »
"Je vois bien que je n'ai aucun espoir que tu reviennes avant que cette maudite guerre soit finie car des employés je crois qu'il n'en revient guère."
Francine à Louis, 21 novembre 1914, page 3, extrait.
Collection Rochette
…"Tu me parles de Mr Charleux au sujet donc tu pourrais revenir tu verras sur une de mes lettres que je l'ai vu et je crois qu'il n'y a guère à espérer il me disait que si l'on avait eu besoin de toi, l'on t'aurait bien fait demander."
Francine à Louis, 27 novembre 1914, page 3, extrait
Collection Rochette
p.1 du livret 2 (1915-1916). "Les hommes sont en majeure partie rentrés à leurs foyers et portent le brassard..."