Les Schneider dominent l’histoire du Creusot entre 1836 et 1969.
En 1914, le maître de forges est Eugène II, gérant de l’entreprise depuis 1896 (et jusqu’à sa mort en 1942).
Pendant le conflit, Eugène II Schneider est l’un des dirigeants industriels français les plus puissants en raison de l’ampleur des fabrications militaires réalisées par son entreprise.
Ses trois fils, Henri-Paul, Jean et Charles se sont engagés volontairement.
Henri-Paul, aviateur, a perdu la vie en février 1918.
Cette couverture de cahier d’école (année scolaire 1915-1916) utilise l’image de la statue « La Reconnaissance », monument érigé en 1879 sur la Place Schneider en hommage à Eugène Ier. Cette illustration renvoie à l’importance du paternalisme exercé par la famille Schneider au Creusot par :
- des écoles, dont les Ecoles spéciales qui préparaient aux métiers de l'usine et permettaient aux élèves les plus brillants de devenir ingénieurs ;
- un accès à la santé, à des soins gratuits à l'Hôtel-Dieu ;
- un emploi garanti à vie ;
- une politique de logement soucieuse de faire advenir une catégorie d'ouvriers-propriétaires ;
- une vie quotidienne largement contrôlée par les exigences patronales ;
- une vie municipale contrôlée par le dirigeant de l'entreprise.
p. 3 du livret 2 (1915-1916). "Au Creusot, ... le patron n'ignore pas son ouvrier"
Eugène II Schneider, au centre, est entouré de ses deux fils aînés : à gauche, Jean ; à droite, Henri-Paul.
Les trois hommes portent un uniforme. Henri-Paul et Jean furent engagés volontaires ; il est possible d’imaginer que le maître de forges ait voulu indiquer par sa tenue son rôle majeur de fournisseur de matériel militaire.
NOUVELLES DU DEPARTEMENT
LE CREUSOT. – Les Schneider à l’armée. – Nous apprenons que M. Jean Schneider, deuxième fils de M. Schneider, vient d’être reçu au concours des élèves aspirants officiers de réserve pour la cavalerie. M. Jean Schneider, qui s’était engagé avec son frère M. Henri-Paul, au 10e cuirassiers, au mois d’octobre, a été reçu avant le n°1 des candidats de la 14e région. Ajoutons que M. Henri-Paul a été lui-même nommé aspirant il y a un mois environ et est actuellement à l’Ecole de Saumur.
ADSL, Le Progrès de Saône-et-Loire, 8 avril 1915
Portrait d'Henri-Paul Schneider,
Collection Ecomusée 4230-3
Ces diverses photographies donnent un aperçu des conditions dans lesquelles se trouvait Henri-Paul Schneider au front. Notons en particulier qu’il peut se raser, échappant ainsi à la situation du Poilu ordinaire. Il est également photographié en compagnie d’un chien.
Il combat à un moment où l’aviation devient un élément majeur des combats, comme en témoigne le propos d’un sénateur, Henry Berenger, publié dans Le Progrès de Saône-et-Loire.
« L’aviation française est à l’ordre du jour depuis le commencement de la bataille de la Somme et c’est grande justice.
Pendant que l’Allemagne s’acharnait sur ses zeppelins et super zeppelins, la France multipliait la fabrication et le dressement de ses escadrilles d’avions de chasse, de réglage et de bombardement.[…] Ce sont eux qui éclairent notre artillerie en aveuglant l’artillerie boche. Ce sont eux qui soutiennent dans l’air de véritables batailles, où ils restent de plus en plus vainqueurs. Ce sont eux enfin qui vont jeter jusqu’à Krupp le défi de la France industrielle de guerre.
L’aviation française, ainsi comprise, est devenue la véritable cavalerie de l’armée. […]
Complétés par la télégraphie sans fil, nos avions sont devenus les yeux célestes de l’armée de terre. »
Extrait de Henry Berenger, "David et Goliath", in
Le Progrès de Saône-et-Loire, 29 septembre 1916.
On ne connaît pas le nombre total des employés de chez Schneider qui furent appelés au front au cours de la première Guerre Mondiale, mais beaucoup d’entre eux y eurent un comportement héroïque qui leur valut décoration ou citation pour fait de guerre. Ils sont 3471 à avoir été recensés et honorés par l’édition d’un registre dans lequel sont reprises intégralement leurs citations : le « Livre d’Or des Établissements Schneider ».
Les deux frères Schneider, Henri-Paul et Jean, fils d’Eugène, y figurent aux premières places.
Bien sûr, toutes ces citations font état de courage, sang-froid, dévouement, héroïsme, bravoure, audace, mépris du danger… Mais au-delà des mots, leur intérêt réside surtout dans la description des circonstances et des faits qui ont justifié la distinction ; c’est une succession de « tableaux », de petites « scènes » de guerre qui nous plongent au cœur des événements.
Extrait de Le Livre d’or des Établissements Schneider 1914-1917, article de Roger Cabaton (Bulletin n°15 de l’AFB, mars 2014)
Sous la Croix de guerre on repère un avion biplan.
Cet objet fait directement référence à Henri-Paul Schneider, mort au combat le 23 février 1918.
Le nom du maître de forges figure à la fois sur ce monument et sur le monument aux morts du Creusot.
Eugène II Schneider est gérant de l’entreprise entre 1898 et 1942. Pendant la Première Guerre mondiale son rôle répond à trois grandes préoccupations :
- L’engagement dans la Défense Nationale, la mobilisation industrielle, l’effort de guerre.
- La mobilisation de la main-d’œuvre : au Creusot, la docilité des salariés et leur engagement dans le travail furent régulièrement soutenus par des primes et indemnités, destinées à compenser la vie chère mais également à assurer la paix sociale. Aucun mouvement de grève n’eut lieu au Creusot pendant la guerre…
- La participation à la réorganisation économique de l’après-guerre comme le montre cette photographie prise lors de son voyage aux États-Unis, pour la conférence d'Atlantic-City, où il préside la délégation française en 1919.
« L’Union des chambres de commerce américaines a invité la France, l’Angleterre, l’Italie et la Belgique à constituer une mission d’industriels qui se rendrait aux Etats-Unis d’Amérique en vue d’éclairer l’opinion publique américaine sur la situation économique de l’Europe, sur les besoins du continent en matières premières de toute sorte et sur la nécessité pour les Etats-Unis d’aider à la reconstruction économique de l’Europe, non seulement par des ventes de matières premières, mais aussi par des crédits à long terme ».
Définition du but de l’entreprise par M. Clémentel, ministre du Commerce de la France (9 août 1919) citée par Eugène Schneider, président de la mission, dans son Rapport sur l’activité de la mission économique française aux Etats-Unis, octobre-novembre 1919 – Extrait de : Le Voyage des missions économiques des pays alliés aux Etats-Unis et le congrès d’Atlantic-City, octobre-novembre 1919.