L’entreprise Schneider au Creusot
Pendant la Première Guerre mondiale, Le Creusot est l’un des établissements de Schneider & Cie qui comprend alors en France comme à l’étranger de très nombreux autres sites.
Les usines et installations industrielles creusotines se présentent comme un ensemble intégré allant de l’extraction de la houille au produit fini.
Les équipements (puits de mines, zones de stockage et préparation du charbon ou du minerai, fours à coke, hauts fourneaux, voies ferrées, halles immenses…) dominent totalement la ville. La métallurgie est reine et les témoins s’accordent pour exprimer à la fois leur admiration et /ou leurs réticences face à un environnement empli de bruit, de pollution (le mot est anachronique, non la réalité…).
Le Creusot, 1917.
Collection AFB 01G0008-A-01
« Avant la Guerre de 1914-1918 l’industrie des projectiles n’était que moyennement développée à l’Usine du Creusot, les Arsenaux devant assurer eux-mêmes la presque totalité des obus estimés nécessaires à l’époque. L’installation dont nous disposions, renforcée en 1906, avait été finalement conçue pour réaliser, en cas de guerre, la production journalière qui nous était demandée par le Ministère soit :
2 000 shrapnels de 75
150 obus de 155
à livrer finis en partant de métal Martin coulé et laminé au Creusot »
Usines du Creusot. Fabrications aux ateliers de projectiles de l’usine du Creusot (Creusot et Breuil) d’obus de tous calibres et de tréfilés divers pendant la guerre de 1914-1918. Dossier dactylographié de 23 pages. 11 août 1930. Extrait page 1. AFB / 0064Z4376-01.
La revue Le Pays de France était initialement une publication mensuelle destinée à la promotion touristique. Parue pour la première fois le 10 mai 1914, elle s’est consacrée aux événements de la guerre.
Cette image correspond à l’une des étapes les plus spectaculaires de la production métallurgique : le métal en fusion est coulé en poche avant d’être réparti dans des lingotières. Chaleur intense, flammes et projections sont un spectacle industriel impressionnant et la source de dangers pour les ouvriers.
Le Pays de France.
Couverture du n°42 du 5 août 1915.
Collection particulière.
« Fabrication des projectiles pendant la Guerre
L’effort accompli par l’Usine du Creusot dans cette fabrication a été considérable et ses résultats ont dépassé toutes prévisions, non seulement par la production intense qui a été réalisée, mais aussi par la variété des calibres livrés, le concours apporté à tous les industriels entreprenant peu à peu la fabrication des obus et par les moyens employés pour faire face aux difficultés sérieuses du début de la guerre. […] Notre plus grande préoccupation a été d’arriver à livrer rapidement les obus dont on avait besoin. »[…]
« Cet effort est mis en évidence par le seul fait qu’au début de la mobilisation notre capacité de production était de 2 000 shrapnels de 75 et qu’en décembre 1914, c’est-à-dire 4 mois après, on sortait environ 10 000 tréfilés de 75 (O.E. bi-blocs) par jour ouvrable, après avoir réalisé antérieurement des productions de 4 500 et 7 000 O.E. par jour. »
« A partir du moment où nous avons disposé de tout notre outillage, les fluctuations de la production ont été la conséquence de l’approvisionnement en métal, ou de la modification des programmes.
Pour la sortie des obus finis, on peut compter approximativement, après tréfilage, les délais suivants :
-2 mois ½ pour shrapnels de petits et moyens calibres
-2 mois pour obus de petits et moyens calibres
-3 mois ½ pour obus de gros calibres »
Dossier dactylographié de 23 pages.
11 août 1930.
Collection AFB 0064Z4376-01.
Les documents présentés correspondent aux deux premières pages d’une nomenclature de différents matériels militaires produits par l’entreprise Schneider.
Ils donnent un aperçu de quelques fabrications et de la diversité de l’offre pendant la Première Guerre mondiale.
Collection AFB
Le Président de la République, Raymond Poincaré, accompagné du ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, se sont déplacés au Creusot (le 16 juin 1915), le sous-secrétaire d’État à l’Artillerie Albert Thomas est venu quant à lui trois fois dans les usines creusotines (novembre 1914, 23-25 août 1915 et 17 avril 1916). En plus de cette présence gouvernementale, le site a accueilli nombre de dignitaires et clients.
Un exemple, dont rend compte cette notice parue dans les « Nouvelles du département », Le Progrès de Saône-et-Loire, 11 juillet 1916 :
p.15 du livret 2 (1915-1916). "M. Poincaré, Président de la République, a été..."
Il semble important de présenter ici le grand concurrent des Établissements Schneider : l’entreprise Krupp, dont les productions ont été au cœur du conflit. L’article présenté ci-après fournit des indications précieuses sur le gigantisme des usines d’Essen, cœur de l’empire industriel Krupp, dans la Ruhr. Les effectifs des usines mentionnés dans cet article de 1916 (100 000 personnes) et la population urbaine (300 000 habitants) font du Creusot un monde lilliputien… L’apogée de la main d’œuvre au Creusot a été d’un peu plus de 20 000 personnes en avril 1917 (20 228 ouvriers, auxquels il faut ajouter les 1698 employés, mentionnés en janvier 1917*) ; au total les effectifs de l’entreprise Schneider, tous sites confondus, furent évidemment plus importants : dans son rapport présenté à l’assemblée générale de l’entreprise du 3 novembre 1915**, Eugène II Schneider indique que l’effectif de l’entreprise est de 35 000 personnes et « s’augmente chaque jour »
* Collection AFB 187AQ085-05
** Collection AFB 187AQ018-02
« En février 1915, on installe 2 presses de 150T (puissance choisie à dessein pour pouvoir percer à volonté le 75, le 90 ou le 105, celle nécessaire au 75 étant de 85T), construites très rapidement au Creusot avec des éléments de canons rebutés et des rognures de blindages […] On réalise une production journalière de 800 shrapnels de 75, 4 100 monoblocs de 75 et 640 monoblocs de 105. »
Collection AFB 0064Z4376-01
Presses et pilons. Fabrication des projectiles.
Engins installés depuis la mobilisation au Creusot.
Etat en août 1916. Collection AFB SS 1150-05-11
Le Breuil est une commune limitrophe de celle du Creusot sur laquelle de nouvelles installations industrielles furent édifiées, le site creusotin étant saturé.
« Aciéries du Breuil.
Dès le commencement de 1915, nous nous sommes rendu compte que les moyens de fortune employés pour augmenter notre production étaient insuffisants. La construction de petites unités avait eu l’avantage de fournir un appoint presque immédiat de métal, mais l’augmentation de production qu’il était possible de réaliser par la création de nouveaux fours de petites dimensions n’était rien en comparaison des besoins toujours croissants de la Défense Nationale. L’Aciérie ancienne, resserrée dans le fond de la vallée, n’était plus susceptible d’aucune augmentation, il devenait nécessaire de créer, de toutes pièces, une nouvelle Aciérie. »
Collection AFB SS1150-05-012
« Une véritable centrale pour la fabrication intensive des O.E de 120 et 155 . […]
Les dates suivantes se passent de commentaires, quant à l’activité déployée pour l’installation de cette puissante usine :
- Prise de la décision 10 juillet 1915
- Commencement des travaux 25 juillet 1915
- Commencement de la mise en marche 30 octobre 1915
- Fabrication industrielle 20 décembre 1915 »
Collection AFB 0064Z4376-01
Un état des fabrications réalisées par la nouvelle Usine du Breuil
« Malgré l’emploi d’un personnel non dressé à ces travaux, comportant en outre, une part importante d’étrangers (Chinois, Kabyles, Espagnols, Portugais, Grecs, Serbes) et 25% environ de main-d’œuvre féminine, l’Usine du Breuil a battu le record de la production en O.E. de 155. En 1918, on a réalisé en moyenne 652 tréfilés par poste de 10h et par groupe de presse (1 perceuse et 1 tréfileuse) ; le rendement maximum a été de 842 tréfilés par groupe et par poste de 10h. »
Ce plan, daté de 1916 montre l’ensemble du site industriel. Les nouvelles constructions du Breuil (aciérie et ateliers de fabrication de matériel militaire) figurent en noir, aux numéros 27, 28, 29.
Après la réalisation des usines du Breuil en 1916, l’entreprise Schneider continue à se déployer sur les territoires des communes voisines du Creusot. La fonderie, baptisée « Henri-Paul », du nom du fils de Eugène II Schneider tué au combat, a commencé à fonctionner en 1919.
Le Progrès de Saône-et-Loire,
5 février 1918.
ADSL PR 97/82
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