Carnet de campagne d'un soldat

Cahier de campagne de Jean-Pierre Cureau, page 19

Récit de vie et témoignage sur la Première Guerre mondiale

Les descendants de Jean-Pierre Cureau, poilu de la Grande Guerre natif de Saône-et-Loire, ont récemment fait don aux Archives départementales des reproductions numériques du carnet de campagne de leur ancêtre.

Transmis de génération en génération, ce document personnel, précieusement conservé par la famille, livre des informations intéressantes sur la Première Guerre mondiale tour à tour inédites, insolites et émouvantes.

Dépourvu de couverture, ce carnet aux pages jaunies, abîmé par le temps, nous permet d'emboîter le pas au soldat, de partager presque quotidiennement ses impressions et son état d'esprit, d'imaginer le décor grâce aux nombreuses descriptions.


Morceaux choisis, en rade de Toulon, à l'approche du départ de Jean-Pierre Cureau pour Salonique. Transcription fidèle à l'original.

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[…] c’est avec curiosité que nous regardont ces immenses bâtiments qui sont à l’ancre et dont les cheminées vomissent des torrents de fumée, malgré soi on est un peu ébahi de penser que d’ici quelques heures nous seront sur un de ces monstres mobiles. Voici d’abord le Transatlantique le France qui est transformé en bateau-hôpital avec ses quatre cheminées blanches sur lesquelles s’étalent d’immense croix rouge. Ensuite à côté se trouve le Lutétia qui est en train de faire son chargement de charbon, c’est par vagons que le combustible est transbordé dans les soutes, il y a des voies de chemin de fer qui viennent jusqu’au bord du quai et les hommes de l’équipage qui font se travail sont aussi noirs que des ramoneurs. Un peu plus loin il y a le Saint-Anne sur lequel nous feront notre traversée, le Burdigala qui fera le parcours avec nous. Pour le moment nous n’avons pas le temps de regarder tout cela en amateur, nous avons nos 400 chevaux à embarquer mais cela

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se fait encore assez rapidement, au lieu de les embarquer un par un à la grue comme autrefois, il y a dans les flancs du bâtiment des ouvertures qu’une passerelle relie au quai et cela va aussi vite que si nous embarquiont en chemin de fer. La place est un peu restreinte, il ne faut pas qu’il y ait un coin inoccupé et comme toujours il y a quelques animaux qui ne veulent rien savoir pour entrer là dedans on leur enveloppe la tête avec une  couverture et c’est comme sur le pont d’Avignon il faut bien qu’ils y passent tous. […]

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[…] Enfin nous pouvont maintenant nous occuper de nous même. Avec chacun nos sacs nous prendront place à notre tour, notre détachement est logé à l’avant au-dessus de nos chevaux mais on nous désigne un espace pour une trentaine où on pourrait tenir vingt, cela ne fait rien on trouvera bien toujours un coin pour se coucher une fois qu’il fera nuit. Je ne sais pas au juste combien nous sommes là-dessus, nous sommes déjà 350 de Nïmes avec nos 400 chevaux, ensuite il y a à l’arrière une batterie d’artillerie avec des renforts de toutes armes, infanterie coloniale, génie,

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Sénégalais… […]

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[..] Après la soupe, comme il ne fait pas encore nuit, je monte sur le pont qui sera également ma chambre à coucher. Là, ont été embarqués les charriots, caissons, pièces de 75… […] (à) chaque extrémité se trouvent deux pièces fixes de 140 avec leur provision d’obus qui sont pour la défense du croiseur et qui probablement n’auront pas lieu de servir. D’ici, le soleil est près de se coucher et la vue est magnifique […]

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[…] La brume commence à descendre et les réverbères que l’on allume ressemblent à une multitude d’étoiles qui se reflètent dans l’eau. Demain à cette heure nous en seront assez loin et désormais il y aura une barrière immense qui me séparera de ce pays qui m’a vu naître, où j’ai passé de l’adolescence à l’âge mûr et où se trouve le foyer et toutes mes affections, mais j’ai la certitude que la pensée de ceux dont je m’éloigne me suivra partout et malgré qu’il faudra beaucoup plus de temps que si j’étais resté en France, leurs lettres viendront me retrouver là-bas. Aussi c’est sans aucune appréhension que nous quitteront demain cette côte de France. Nous conservont tous l’espoir qu’une fois les hostilités terminées un autre bateau nous ramènera et que cela sera pour rejoindre définitivement ceux qui occupent toutes nos pensées et qui seront peut-être de long mois, une année peut-être à attendre notre retour. […]   

 

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