Affichage détaillé (Une chronique du secrétaire de mairie, Pierre Ferrier)
La durée de la guerre
Transcription :
Pendant combien de temps encore aurons-nous des tableaux de guerre sous les yeux : des femmes en deuil, des femmes en pleurs, des soldats de tous âges, l'un tenant par la main un enfant ravi, l'autre donnant le bras à une épouse en extase, un troisième, casqué et botté, l'aiguillon sur l'épaule, conduisant de son pas lourd de paysan un attelage de boeufs à travers les rues de la ville, des blessés traînant la jambe ou le bras en écharpe, pitoyables épaves du champ de bataille, dont les rires et les plaisanteries enfantines nous font rêver, blessés héroïques, blessés glorieux, que tous nous devrions saluer bien bas ? Pendant combien de temps encore les réfugiés, non habitués à vivre de la charité publique, seront-ils obligés de se présenter toutes les quinzaines pour toucher la maigre allocation de l'Etat ou le bon de pain de la Ville ? Pendant combien de temps encore nous signalera-t-on de nouvelles victimes, frappant tout autour de nous nos familles, nos amis ? Dieu seul le sait.
Et nous, nous resterons aussi longtemps qu'il le faudra les yeux fixés sur le but, cent fois défini, cent fois et superbement exalté, le but si divinement beau de la victoire de l'homme sur la bête, de la victoire du droit sur la violence, de la victoire du Bien sur le Mal, de cette victoire qui nous rendra ma chère Alsace-Lorraine et qui nous aura tant coûté, mais que de toute notre âme, de toute notre force, nous voulons.
Le Creusot, le 3 novembre 1916
[Signature : Ferrier, secrétaire de la mairie]