Affichage détaillé (Une chronique du secrétaire de mairie, Pierre Ferrier)
Cherté de la vie
Transcription :
étoile qu'elle fixait depuis un quart d'heure à l'aide d'une jumelle quelconque ; je ne voulais pas partager son illusion ; je fus puni de mon incrédulité par un coup d'oeil méprisant accompagné d'un haussement d'épaules significatif.
VIE CHERE – Mais abordons le problème qui absorba le plus fortement, le plus longuement, l'attention de la Municipalité, le problème de l'alimentation, le problème de la vie chère. Si le cours de toutes les denrées subit une hausse marquée, nous pourrions dire une hausse excessive, si le vin atteignit 180 à 200 francs la pièce de 228 litres prise dans la cave du vigneron, si le prix du charbon s'éleva à 6 francs les 100 Kg, si le beurre, les oeufs, les pommes de terre suivirent le mouvement ascendant des cours, nous nous occuperons exclusivement de la question du pain et de celle de la viande, laissant aux économistes le soin de discuter sur la légitimité, sur l'efficacité des taxations. Constatons seulement que si le citadin frappé regimbe vivement contre la taxe, sa protestation n'est pas de longue durée, mais le paysan ne veut absolument pas l'admettre ; il veut avoir la liberté de son blé, de son avoine, au même titre, plus peut-être, qu'il veut avoir la liberté de sa personne ; il ne reconnaît en son âme et conscience à personne le droit de l'obliger à vendre son blé 30 francs, alors que le blé manque et qu'il pourrait le vendre 35 francs ; la loi de l'offre et de la demande, loi dont la guerre empêche le jeu normal, est son Credo ; il se soumet à la force, mais hoche la tête d'un air peu convaincu à tous les arguments qui peuvent lui être présentés.
PAIN – Au Creusot donc, nous croyions, au 1er juillet 1915, la crise du pain terminée ; nous nous étions lourdement trompés.