Affichage détaillé (Une chronique du secrétaire de mairie, Pierre Ferrier)
L'état d'esprit
Remontée du moral - 01/02/1916
Transcription :
tempête, l'esprit public a reflété fidèlement les événements de l'un ou de l'autre front. Mais quelques constatations d'ensemble se dégagent de ce chaos d'impressions contraires.
La stagnation apparente des opérations ne lui convient pas ; cela se conçoit d'autant mieux que l'ennemi souille notre sol et que la défensive n'est pas le propre du tempérament militaire français ; l'approche de l'hiver le rend morose, rêveur, le découragerait même si tous les journaux ne s'évertuaient à lui servir, sur des thèmes différents, un plat réconfortant chaque jour au réveil ; en février, mars, l'approche du printemps, la perspective de la poussée en avant, le réconfortent ; il croit en la victoire proche quand il sent la venue du soleil. Cet état d'esprit, que j'ai constaté absolument identique au cours de chacune de ces deux années de guerre, n'est pas particulier à l'arrière ; les lettres du front respirent la même atmosphère. Le moral du soldat agit-il sur celui du civil, ou vice versa ? ou bien plutôt n'y a-t-il pas échange réciproque d'ondes morales, la gaieté du poilu soutenant ceux de l'arrière et la délicatesse des gens de l'arrière réconfortant le poilu ? J'ajoute que dans les jours les plus gris, l'arrière (je parle du Creusot naturellement) a toujours eu confiance et confiance entière.
Nous pouvons peut-être en rechercher la cause dans ce fait que le Creusotin a vu l'activité de ses usines, a vu monter si rapidement les nouveaux ateliers de Chanliau, y a vu élever en quelques mois quatre robustes cheminées, a vu défiler en gare des séries de canons de 320 parés et fleuris, prêts à la grande fête, et vu la main-d'oeuvre affluer en nos murs. Il savait que les canons de 520 étaient en construction, il sentait plus qu'ailleurs la volonté fortement, résolument arrêtée de faire