Affichage détaillé (Une chronique du secrétaire de mairie, Pierre Ferrier)


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L'inconduite de l'Arrière

Etat d'esprit des ouvriers - 01/07/1915

Transcription :

tant qu'il ne s'est pas enraciné au Creusot.
Non, l'étranger, le Parisien surtout, ne sent pas l'élément moral qui attache le Creusotin à son usine. Il vante les salaires élevés de Paris ; il incite le jeune homme à chercher fortune dans la capitale. Mais il omet d'indiquer le chiffre des dépenses que nécessite le séjour dans la grande ville ; il omet de dire qu'au bout de l'an le Parisien est plus pauvre que le Creusotin. Et le jeune homme se laisse prendre au mirage ; il quitte nos grandes cheminées, pas pour toujours par exemple ; il y reviendra, mais seulement lorsqu'il aura mangé de la vache enragée, à Montmartre ou ailleurs.
Il est triste de constater que près de deux années de guerre n'ont pas suffi pour faire tomber les barrières artificielles élevées par certains êtres malfaisants entre les classes de la société.
Il est triste aussi de constater qu'à l'arrière du front trop nombreux sont ceux qui, oubliant totalement les souffrances surhumaines des défenseurs de Verdun, des hommes des tranchées, s'adonnent aux plaisirs les plus bruyants, les plus déplacés, parfois les plus scandaleux. Alors que l'ennemi est chez nous, nous côtoyons des hommes effroyablement ivres qui soulèvent le dégoût, pendant que d'autres chantent à tue-tête dans les cafés. Et ces hommes sont ceux que le hasard met à l'abri du danger et de la mort.
Alors que des mères, que des femmes sont anxieuses, alors que des veuves pleurent l'absent et envisagent l'avenir avec effroi en dissimulant leur douleur à leurs petits enfants, d'autres femmes dansent aux rendez-vous de banlieue, au " Moulin



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